Les routes maritimes

On a longtemps considéré les Phéniciens comme d’incomparables marins et d’habiles commerçants, et rien d’autre. En réalité, les activités exercées par les populations côtières de l’actuel Liban à partir du premier millénaire av. J.-C. étaient nombreuses et diversifiées, allant de l’exploitation des terres intérieures et des forêts aux activités artisanales liées à la confection de produits de luxe et au travail du bois (y compris des chantiers navals pour la construction de navires de guerre et de transport). En Orient, les villes-état phéniciennes jouèrent un rôle fondamental de points de contact entre l’aire méditerranéenne et la zone proche-orientale interne, siège des grandes puissances mésopotamiennes, diffusant de nouveaux produits et de nouveaux savoir-faire artisanaux, et surtout, mettant en communication des cultures et des mondes différents.

Le mouvement expansionniste des Phéniciens, commencé autour des IX-VIII^e siècle av. J.-C., constitue l’un des phénomènes les plus extraordinaires de l’antiquité. Poussés principalement par la nécessité de se procurer des matières premières de qualité pour leurs productions, les Phéniciens, profitant des courants favorables, s’aventurèrent jusqu’aux côtes de l’actuelle Angleterre. L’île de Chypre constitua la première étape de leur périple vers l’Occident, puis, passant par les côtes de l’Asie Mineure, Rhodes, Crête, Malte et la Sicile, ils se dirigèrent vers la Sardaigne, les Baléares et le sud de la Péninsule Ibérique. Côtoyant l’actuelle Andalousie, ils passèrent le Détroit de Gibraltar, tandis qu’une autre route, partant de la Sicile, longeait la côte septentrionale, rejoignant les côtes italiennes (Campanie et Latium) et françaises (la Gaule).

En Afrique du Nord, Carthage, en punique qrthdšt, « ville nouvelle, nouvelle capitale », a été le point de départ et de référence de la présence phénicienne. Au VI^e siècle av. J.-C., elle devint la ville phénicienne la plus importante d’Occident et au IV^e siècle av. J.-C. et la capitale d’un empire territorial englobant l’Afrique du Nord, la Sicile, la Sardaigne et le sud de la Péninsule Ibérique.

L’ascension de Carthage dans le Bassin Méditerranéen est étroitement liée à la fois à sa position stratégique de carrefour des routes vers l’Occident et vers l’Orient et aux énormes potentialités économiques de son territoire nord-africain.

Les côtes de l’Algérie, en particulier, font partie intégrante du parcours que les navigateurs phéniciens et puniques suivaient lors des déplacements sur de longue distance nécessaires imposés par leurs activités commerciales. Par suite des courants marins côtiers orientés d’ouest en est et des vents qui soufflaient souvent le long du littoral dans le même sens, l’Algérie faisait certainement partie du secteur initial de l’itinéraire de retour des marchands phéniciens vers la mère-patrie, appelé « route méridionale » ou « route de retour », qui leur permettait, en l’absence de forts vents contraires, d’exploiter le courant provenant de Gibraltar. L’Algérie pouvait également se trouver sur l’itinéraire emprunté à l’aller en direction de Cadix, quand les conditions des vents suggéraient d’abandonner la « route septentrionale » des îles, entre la Sardaigne méridionale et les Baléares, pour poursuivre le long des côtes algériennes. Quand les rives opposées de la Méditerranée se rapprochaient, à proximité de la zone la plus occidentale du littoral algérien (à hauteur d’Oran), on pouvait retraverser au niveau de la côte de l’Andalousie méridionale, pour atteindre la destination finale selon un itinéraire plus court. Quand, durant le voyage de retour le long de la traditionnelle «route méridionale», la côte algérienne devait être évitée par suite de vents défavorables, les navires phéniciens pouvaient dévier vers l’itinéraire dit « septentrional » en direction des Baléares, de la Sardaigne méridionale et du Canal de Sicile pour reprendre ensuite, à hauteur de Carthage, la « route méridionale » vers l’Orient.

PHÉNICIEN = Ce terme indique, par convention, tout ce qui concerne la culture du peuple sémite provenant des villes phéniciennes de la côte libanaise (la terre de Canaan).

PUNIQUE ou CARTHAGINOIS = Ces termes indiquent tout ce qui concerne la culture développée par Carthage en Occident après le VI^e siècle. av. J.-C.

NÉO-PUNIQUE = Ce terme indique les persistances culturelles puniques jusqu’à l’époque impériale romaine.