Les Phéniciens d’Algérie
Sant’Augustin écrivait, au Ve siècle ap. J.-C.: « Interrogés, les paysans d’ici répondaient qu’ils étaient phéniciens, originaires de Canaan » (Expositio ad Rom., 13), ce qui signifie qu’à la fin de l’Empire romain, les paysans de la zone d’Hippo Regius (Annaba) se déclaraient descendants des Cananéens (les Phéniciens) et s’exprimaient encore dans la langue de Carthage.
Ceci témoigne de la profonde compénétration qui s’est produite entre la culture phénicienne et la culture locale. Commencée avec les premiers sites côtiers à la fin du VIIe siècle av. J.-C., elle résistera à la romanisation, au point de devenir partie intégrante du patrimoine culturel algérien. Les premiers centres phéniciens de la région oranaise ne sont liés à aucune grande ville d’Orient, mais plutôt aux fondations de la Péninsule Ibérique. Les ports de la côte algérienne étaient, en effet, les principales étapes de la route vers Carthage et l’Orient des matières premières et des produits provenant de l’extrême Occident.
À partir du IVe siècle av. J.-C., Carthage, devenue désormais une puissance à tous les effets bien ancrée sur le territoire africain, s’emploie au renforcement et à la réorganisation des régions sous son autorité, mais en Algérie, toutes les fondations ne furent pas intégrées, et elles ne maintinrent pas toutes leur propre rôle dans le nouveau système carthaginois. La dynamique des rapports entre Libyques, Phéniciens des villes côtières, Carthaginois, Numides et Maurétaniens était très complexe, et les niveaux ethnico-culturel et politico-institutionnel ne coïncidaient pas toujours ni partout.
Carthage vaincue, dès le milieu du IIe siècle av. J.-C., l’alternance de collaboration et conflit se répéta dans les rapports avec Rome (surtout sous les rois Jugurtha de Numidie et Bocchus de Maurétanie à la fin du IIe siècle). Les Numides également, qui opposèrent une forte résistance sous le règne de Juba 1er, cédèrent entre 46 et 44 av. J.-C., vaincus par l’armée de César, allié de Pompée. Cependant, la Numidie et la Maurétanie conservèrent leur autonomie, nominalement du moins, jusqu’en 40 ap. J.-C., quand elles furent englobées dans le système administratif de l’empire romain.