Les étrangers en Algérie. Entre mythe et réalité

D’après l’historien romain Salluste (I^er siècle av. J.-C.) qui tirait ses informations des Livres puniques de Hiempsal (roi numide des Massyles), l’histoire des peuples nord-africains se divisait en trois périodes bien distinctes. La première phase se caractérisait par la présence des seuls autochtones, Gétules et Libyens, la deuxième période aurait vu l’arrivée par le Nord de ce qui restait de l’armée qu’Hercule-Melqart avait conduite en Espagne (où il était mort), formée de Mèdes, Perses et Arméniens. Les Mèdes se seraient mêlés aux libyens pour constituer le groupe des Maures, peuple sédentaire, tandis que les Perses se seraient unis aux migrants Gétules, se déplaçant vers l’Orient et changeant leur nom en celui de Numides. La troisième phase, très distante des deux premières, aurait commencé avec l’arrivée des Phéniciens d’Orient et leur installation sur le littoral nord-africain à travers la fondation des villes d’Ippona, Hadrumetum, Leptis et Carthage.

Au VI^e siècle av. J.-C., de nombreuses histoires circulaient encore en Afrique du Nord sur les aventures mythiques d’Hercule- Melqart. Procope de Césarée, historien byzantin, décrivait le héros comme l’antique roi des Libyens, et rappelait l’arrivée en des temps reculés, d’une population orientale sur les terres d’Algérie. Pour confirmation de ce qu’il avançait, il affirmait qu’on pouvait encore lire, sur deux stèles de marbre blanc placées près de la fontaine principale de Tigisis (Ain el-Bordj), un texte phénicien déclarant que les Maures étaient les descendants de groupes phéniciens échappés de la Palestine au moment de la migration des Juifs hors de l’Égypte. Il est clair que Procope entendait ainsi démontrer son grand savoir, et dans ce but, il rassemblait les diverses histoires sur les origines des peuples d’Afrique du Nord qui conservaient encore mémoire et habitudes étrangères à la civilisation urbaine imposée par les Romains. Il ajoutait également qu’après ces événements lointains, d’autres arrivants, partis de Tyr avec la princesse Didon, auraient rejoint les descendants des premiers Phéniciens arrivés en Afrique, fondé Carthage puis défait les Maures, leurs voisins et consanguins, les contraignant à émigrer loin de la métropole punique.

Les inscriptions puniques du sanctuaire d’El-Hofra (Cirta-Constantine) documentent la présence, sur le territoire algérien, de personnages d’origine grecque ou punique provenant d’autres région de l’empire carthaginois. Les inscriptions grecques, 18 en tout, sont toutes consacrées à Baal Hammon et à Tanit, parfois Chronos, divinité qui prend la place de Baal ; on remarquera à ce propos que les noms des auteurs des dédicaces sont tous d’origine grecque ou romaine, bien que les inscriptions latines soient seulement sept, toutes relatives à Saturne.

Particulièrement intéressantes la dédicace d’un certain Abdeshmoun qui se définit fils de Madir le Cananéen du Carmelo, et donc fils d’un Phénicien provenant de la région syro-palestinienne, (El-Hofra102 – Pl. XI A) ainsi que celle d’Hannibal, fils d’Akboram, provenant de Karalis, probablement l’actuelle Cagliari, en Sardaigne (Italie), et donc un sarde-punique.