La vie privée

Nous sommes par contre mieux informés sur l’habillement, caractérisé – du moins en ce qui concerne les habitudes masculines – par un conservatisme très marqué à travers le temps. Les témoignages des auteurs latins mettent l’accent sur le caractère exotique de l’habillement punique, qui se démarquait nettement des habitudes romaines : le costume national carthaginois d’origine phénicienne était dépourvu de toge ou de manteau, et il consistait en une ample tunique droite jusqu’aux pieds, avec des manches recouvrant partiellement les mains. Ce n’est que plus tard que les Carthaginois introduiront dans leurs habitudes vestimentaires le pallium, retombant sur les côtés et retenu par des fibules. Hommes et femmes portaient un anneau dans le nez (nezem), comme en témoignent les protomés en terre cuite de Carthage datés entre le V^e et le I^er V^e siècle av. J.-C. ainsi que l’unique protomé faisant partie du trousseau funéraire algérien découvert à Gouraya.

Le conservatisme manifesté par l’habillement masculin ne trouve pas écho dans la vêture féminine, qui accueille très tôt les suggestions grecques. À l’époque de la 2^e guerre punique, l’assimilation était complète : un large vêtement à manches courtes enveloppait toute la silhouette. Une ceinture, sous la poitrine ou à la taille, interrompait l’uniformité du vêtement et l’ornait de plis.

Dans l’imaginaire collectif du monde punique, la femme est une mère capable et une parfaite maîtresse de maison. Mais elle assumait également d’autres rôles: elle pouvait travailler, posséder des biens, gérer ses possessions et traiter les hommes presque à égalité. Bien entendu, ces droits étaient reconnus dans une mesure plus importante aux femmes disposant d’une certaine aisance économique.

Les femmes, surtout les plus nobles, aimaient prendre soin d’elles-mêmes et recouraient volontiers à l’emploi de cosmétiques et de maquillage, appréciant également les bijoux, comme en témoignent les trouvailles archéologiques dans les sépultures. Elles portaient les cheveux longs, avec des tresses ornées de petits bijoux ou d’épingles à cheveux. Elles se maquillaient en appliquant des terres sur leur visage avec des brosses en os ou en ivoire, s’attardant volontiers devant leurs miroirs de bronze finement décorés.

Elles se parfumaient avec des huiles végétales qu’elles conservaient dans de petits flacons suspendus par des cordelettes. Pline l’Ancien, dans sa célèbre Histoire Naturelle, fournit des indications précises sur la composition des parfums : « Deux éléments interviennent dans la fabrication des parfums : la partie liquide (souvent une huile) et l’essence parfumée (…). L’aspersion de sel a le but d’assurer la conservation de l’huile, mais elle devient inutile dans le cas d’adjonction d’orcanète. Pour fixer le parfum dans l’excipient, on ajoute une résine ou une gomme, sans lesquelles le parfum se volatiliserait très rapidement. Les parfums se font plus pénétrants si on y ajoute du cardamome, qui sollicite fortement l’odorat, tandis que l’ajout de myrrhe les rend plus suaves et persistants…».

Le parfum était utilisé sous forme d’onguent (dit puk), d’huile parfumée, de poudre à base de henné, ainsi que de sachets d’herbes aromatiques que l’on portait sur soi ou que l’on glissait entre les vêtements. Les Phéniciens portaient également des colliers dans les perles desquels on insérait quelques gouttes de parfum qui coulaient ensuite sur la poitrine.