Lazare Costa, l'italien qui découvrit le tophet de Cirta

La ville de Constantine, l’antique Cirta, se trouve sur un haut rocher aux abords du fleuve Rhummel, une position qui lui offre une défense naturelle. Fondée par les Numides, la zone sur laquelle elle surgit devait cependant déjà être habitée à une époque préhistorique, comme en témoignent des découvertes faites dans la grotte de l’ours et du mouflon. Des contacts avec phéniciens et puniques devaient avoir eu lieu, car outre la composante grecque, on y a constaté une présence abondante d’immigrés carthaginois d’origine grecque ou italique. Sous Massinissa, la ville était capitale numide, tandis qu’en 48 ap. J.-C., Cirta devint le chef-lieu de la province romaine de Numidie, qui s’étendait dans toute la partie orientale de l’Algérie.

Les premières recherches archéologiques commencèrent peu après l’arrivée des Français, et une centaine de stèles furent trouvées sur la colline d’El-Hofra, en 1830, à environ 1 km à l’est de Cirta.

La première grande découverte dans la zone d’El-Hofra date de 1875. Alors qu’il creusait des fosses dans son jardin, Rousselot, un habitant de Cirta, mit à jour des restes de murs et un petit bassin quadrangulaire aux parois stuquées ainsi que quelques éléments architecturaux et des os d’animaux mêlés de cendres.

Quelques années après, alors que l’on s’affairait à creuser pour planter des ceps de vigne dans un terrain au pied de la colline d’El-Hofra, d’autres stèles furent mises à jour. L'italien Lazare Costa, décida de poursuivre les recherches et 130-140 stèles environ furent découvertes. Elles étaient enterrées à une profondeur de 30-40 cm et disposées sur une seule rangée, à une distance importante l’une de l’autre. Lazare Costa, un « antiquaire » né dans l’actuelle Santa Margherita Ligure, en Italie, probablement en 1814, jouera un rôle fondamental, non seulement dans la découverte du tophet de Constantine, mais également dans la constitution de ce qui sera le premier noyau de l’actuel Musée de Cirta et de l’important fonds conservé au Musée du Louvre de Paris, par ailleurs toujours désigné sous le nom de Collection Costa. Son incessante activité, qui a permis la découverte et la récupération de nombreuses structures et pièces antiques de la ville de Cirta, lui valut d’être accueilli au sein de la Société Archéologique de Constantine, où son nom comparaît en tant que membre titulaire dès 1868.

L’activité de Lazare Costa est ainsi décrite : « En 1875, Rousselot fit planter des vignes. Les manœuvres italiens chargés du travail trouvèrent des pierres plus longues que larges et ornées de figures bizarres qu’ils montrèrent à leur compatriote Lazare Costa. Celui-ci, de petite taille, maigre, sec mais plein d’ardeur malgré son âge, visite dès l’aube tous les endroits de la ville et des alentours où un coup de pioche a été donné. Sur les traces d’une découverte, sa passion pour les antiquités le rend courageux, sous son casque plat, que ce soit par les froidures de l’hiver ou les chaleurs de l’été. Il ne manquait pas de se rendre deux fois par jour sur le terrain où étaient remisées ces pierres singulières qui étaient en fait de véritables stèles carthaginoises. C’est à lui qu’on amenait le soir les trouvailles de la journée. Quant à lui, il les faisait voir à aux collègues qu’elles pouvaient intéresser, heureux de communiquer ses nouvelles inscriptions aux maîtres de la science épigraphique, et il envoyait au Ministère de l’Instruction Publique de nombreuses et belles estampes que la commission des inscriptions sémitiques ne tarda pas à lire et utiliser ».