La survie de la culture punique
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La survie de la culture punique

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Carthage a été détruite... mais pas oubliée

Scarabées en jaspe et pâte de verre de la nécropole punique de Rachgoun (Oran), Ve siècle av.J.-C. Musée National Ahmed ZabanaLes Romains franchirent le seuil de l’Afrique pour la première fois au IIIe siècle av. J.-C. durant la deuxième guerre punique. Avec la destruction de Carthage, en 146 av. J.-C., commença la romanisation de l’Afrique du Nord, dont les effets se firent sentir à travers la prolifération de centres urbains et la ré-élaboration de certains éléments locaux selon les goûts et usages de la culture romaine.

Unguentarium de Constantine. Ier-IIe siècle ap. J.C. Musée National CirtaCe processus s’était toutefois déjà mis en route quelques siècles auparavant, comme le démontre le matériel archéologique italique découvert en Afrique du Nord, en général, et en Algérie en particulier. En outre, la conquête n’effaça pas la culture préexistante, car il se produisit une lente intégration d’informations et d’échanges réciproques de laquelle émergea, en fin de compte, une culture mixte punico-numido-romaine.

La romanisation commença par se manifester à travers la présence d’objets d’importation, parmi lesquels des produits raffinés en bronze et en verre et des objets d’usage domestique courant, comme la céramique, puis, après la conquête, l’inexorable processus de romanisation de l’organisation socio-politique du territoire se mit en place. Les Numides, comme les Puniques, commencèrent à acquérir la mentalité romaine et le latin s’imposa comme langue commune.

Pyxide de Constantine. Ier  siècle ap. J.C. Musée National CirtaLa force ne fut employée qu’avec les villes qui faisaient preuve de rébellion, et dans le cas spécifique de Carthage, elle fut détruite et rasée au sol, tandis que surgissaient de nouvelles villes selon les critères urbanistiques romain, avec cardo et decumanus, ainsi que le forum.

De vastes latifundia (de grandes propriétés terriennes aux mains des nobles locaux) africains se développèrent, avec des champs de blé et des plantations d’oliviers cultivés par des liberti, colons, berbères et esclaves. Est également documentée l’assignation de terres aux vétérans. Sur les terrains et dans les clairières rendus cultivables, les colons élevaient des brebis, des chèvres, des chevaux de selle (la cavalerie numide était célèbre) et d’énormes bœufs, habitués à travailler durement sous l’impitoyable soleil d’Afrique. Protégés par la Pax Romana, ils plantèrent des oliveraies qui s’étendirent bientôt sur tout le territoire des Hauts-Plateaux.

Autel votif de Setif. Ier siècle ap. J.C. Musèe de SétifL’agit ne vécut que de manière indirecte les évènements survenus entre Rome et Carthage, et elle n’en ressentit les effets que faiblement. Grâce aux bons rapports qu’elle entretenait avec Rome et le monde punique, qui se poursuivirent jusqu’au IIIe siècle av. J.-C. et qui comportaient la stipulation d’accords et de traités, l’Algérie s’ouvrit davantage aux produits provenant de l’Italie. Le roi numide Massinissa fit venir dans sa capitale, Cirta, de nombreuses statues et objets de luxe directement de Rome, et c’est en effet sur ce site que l’on a trouvé le plus de céramique à vernis noir, présente également dans les sites de Tipasa, Les Andalouses, Jijel.

 

Les stèles et la survie de la culture punique

Ville romaine de TimgadLes stèles fournissent une intéressante documentation sur la production artistique punique, caractérisée par l’emploi simultané, dans un but purement décoratif, de motifs iconographiques empruntés aux diverses civilisations méditerranéennes et égéennes. Suivant une tendance déjà présente dans l’art phénicien, les artisans puniques interprétaient et reproduisaient ces motifs, à l’origine chargés de significations symboliques, selon des formes abstraites et stylisées qui dénotaient un manque de compréhension ou d’intérêt pour le sens originel des images figurées.

Ville de TiddisA l’époque romaine républicaine, c'est-à-dire à une époque de grands changements et de transition, les représentations des stèles étaient réinterprétées selon des thèmes d’origine locale et libyque, mais adaptées à la mode et la vison romaine, avec une richesse de détails ornementaux innovatrice. Après la chute de Carthage et jusqu’au Ier-IIe siècle ap. J.-C., les stèles votives et leurs représentations figurées maintiennent leur valeur symbolique, démontrant ainsi la profonde compénétration culturelle qui s’est produite entre Phéniciens et Libyques.

Dans les inscriptions latines gravées sur cinq stèles votives découvertes près de N’Gaous (Nicivibus), datées aux environs de 200 ap. J.-C., la formule « chose bonne, fortunée et heureuse » indique l’accomplissement du sacrifice d’un agneau durant un rite nocturne en l’honneur du saint seigneur Saturne. L’animal était offert selon un rite dit molchomor, qui correspond à la formule mlk’mr, « sacrifice molk d’un agneau ». Le rituel évoqué par les textes de N’Gaous constitue le développement ultime du sacrifice punique d’enfants en l’honneur d’une divinité accompli avec l’offre substitutive d’un agneau ; cependant, la présence d’un bénéficiaire humain, fils des dévots offrants, la typologie du rite et la formule dans son entièreté suggèrent qu’il était célébré pour la réalisation d’un vœu adressé au dieu principal de l’Afrique romaine, dans un but aussi personnel que concret: la guérison d’un fils imploré, dont la santé était compromise.

 

La reine Sophonisbe

Stèle votive a Saturne, Ier siècle ap. J.C. . Musèe National des Antiquites d'AlgerLa reine Sophonisbe, originaire de Carthage, fille d’Hasdrubal et épouse du roi numide Syphax, incarne dans l’esprit populaire, la figure féminine la plus vertueuse du monde punique. Sa beauté et son intelligence frappèrent en premier lieu son mari, le roi Syphax, qui se laissa convaincre par elle de trahir Rome et de s’allier à Carthage pour assurer sa défense.

Stèle votive de Guelma, Ier-IIe siècle ap. J.C.MusèeAprès la défaite infligée à Syphax par Massinissa, allié de Rome, elle préférera, en femme forte et insoumise qu’elle était, adresser un appel poignant à Massinissa pour lui demander la mort plutôt que d’être contrainte à trahir sa patrie et être livrée aux Romains : « Je te demande et te conjure, au nom de la terre qui nous a vus naître toi et moi, de ne pas me livrer aux mains des cruels Romains. Je préfère l’esclavage dans mon propre pays plutôt que de servir l’un des odieux ennemis de ma patrie. Et si tu ne peux me sauver de tant de honte, alors ôte la vie à la fille d’Hasdrubal ».

Cette fois encore, sa beauté triomphante et sa ténacité firent plier son destin, et, conquis, Massinissa, l’épousa pour qu’elle ne devienne pas esclave de Rome.

Scipion, cependant, frappé par les paroles de Syphax, qui décrivait sa femme comme une perfide ensorceleuse, obligea Massinissa à lui livrer la jeune femme. Le nouveau roi numide décida toutefois de respecter la volonté de la Reine et il lui envoya du poison par un serviteur. Avant de le boire, Sophonisbe lança son dernier message, exprimant ainsi sa force et son puissant sentiment d’appartenance à sa patrie bien-aimée : « […] ce n’est pas de mourir, que je souffre, mais d’avoir trahi, en l’épousant, ma promesse de haïr les Romains pour toujours ».

Fresque de Giovanni Antonio Fasolo (Mondello, 1530-Vicence, 1572), conservée au château de Thiene. (Photo gracieusement fournie par Françoise et Gaétan de Thiene)

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